Gaël Kakuta est devenu, ce lundi 17 mai, le premier Congolais et Lensois à recevoir le prix Marc-Vivien Foé qui récompense le meilleur joueur africain de la saison de Ligue 1. Après des années à voyager sans trouver chaussure à son pied, le numéro 10, que l’on dit « réservé », peut enfin briller avec régularité. Portrait d’un Léopard qui n’aime pas être dompté.
Ses cernes témoignent de la courte nuit qu’il vient de passer. Gaël Kakuta, prix Marc-Vivien Foé 2021, est rentré à 4 heures du matin de Bordeaux où lui et ses coéquipiers ont perdu la veille lors de la 37 journée de Ligue 1 (3-0). Heureusement, il a « le sommeil facile » et peut s’endormir en cinq minutes. La défaite et cette poignée d’heures de repos n’arrivent pas à lui enlever ce sourire communicatif, témoin de sa « fierté » de devenir le premier congolais et lensois à recevoir un prix qui porte le nom d’une icône locale, décédée en 2003.
Ici, il faut prendre l’Allée Marc-Vivien Foé pour se rendre au Stade Bollaert, l’enceinte où Gaël Kakuta a inscrit près de la moitié de ses 11 buts cette saison. Le meilleur bilan de sa carrière de « globe-trotter » comme il le dit lui-même (douze clubs dans cinq championnats différents).
À Lens, le milieu de terrain est chez lui. De retour l’été dernier, il retrouve son club formateur et découvre un entraîneur, Franck Haise qui lui laisse une « entière liberté d’expression sur le terrain », explique Eric Assadourian, actuel directeur de la formation du RCL. Il a été l’éducateur de Gaël Kakuta chez les jeunes avant qu’il ne parte à Chelsea, à 16 ans. Selon lui, cette « liberté », c’est « peut-être ce qui lui permet aujourd’hui d’être aussi performant ». Le principal intéressé ne dit pas autre chose : « je suis un créatif, j’ai besoin de me balader sur le terrain », alors que c’est surtout dans des clubs et à des postes différents qu’il l’a été.
« J’ai eu tendance à me mettre trop dans ma bulle »
« Gaël, c’est un des derniers footballeurs de rue, c’est-à-dire qu’il ne peut être formaté comme un robot. Il a un ressenti footballistique, un instinct hors-norme. Comme on disait il y a 20-30 ans, c’est un joueur qui “pue” le foot », renchérit le formateur franco-arménien qui lui voit une autre qualité essentielle : « au-delà de ses facultés techniques, c’est quelqu’un qui a une énorme passion pour ce sport. Il prend un plaisir fou sur le terrain. Pour lui, jouer c’est le plus important et cela se ressent dans l’intensité et l’énergie qu’il y met ».
« Jouer », c’est pourtant ce que le Congolais de 29 ans a trop peu fait dans sa carrière. La faute à des blessures, un départ très jeune à l’étranger et des destinations étonnantes (Hebei China Fortune, Vitesse Arnhem aux Pays-Bas). Interrogé à ce sujet dans Radio Foot internationale, le numéro 10 lensois dit « ne rien regretter. Je ne retiens que le positif. C’est derrière moi ».
Mais quand on creuse un peu, Gaël Kakuta a bien « subi » tous ses prêts de 2011 à 2015 en Angleterre, en Italie, aux Pays-Bas et en France lorsqu’il était encore un joueur de Chelsea. « J’aurais dû partir en 2010 après le sacre à l’Euro des moins de 19 ans avec l’équipe de France », avoue-t-il, avant d’évoquer sa personnalité lorsqu’on l’interroge sur les conseils qu’il donnerait aux jeunes : « Qu’ils communiquent, disent ce qu’ils ressentent. Moi, j’ai eu tendance à me mettre trop dans ma bulle ».
Un talent qui ne coïncide pas avec sa carrière en dents de scie ? « J’ai ma part de responsabilité », concède le prix Foé. Eric Assadourian y voit encore une qualité : « il a cette capacité à très vite se remettre en question. Il sent les choses qui ne collent pas et va tout faire pour les régler. Il n’a besoin de personne pour cela. Il sait se poser les bonnes questions ».
Et encore plus avec l’expérience qui s’accumule. « Avec l’âge, je m’ouvre plus » souligne le nordiste pas si renfermé que cela si on en croit son ancien éducateur : « Gaël a une grande empathie. Il est très ouvert même s’il paraît discret. C’est quelqu’un d’avenant et qui crée des ondes positives autour de lui ». Pas un « aboyeur », c’est certain, mais un « leader technique qui parle à petite dose », selon Franck Haise. « Un exemple » pour les jeunes du centre de formation ajoute Eric Assadourian. Et « une fierté » pour son fils qui a désormais dans sa chambre le prix Marc-Vivien Foé. « C’est le petit endroit où je pose mes récompenses, il aime bien ça », sourit Gaël Kakuta.
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