Dans un entretien accordé par un confrère de HIBA PRESS, un quotidien marocain, Mohamed SYLLA Originaire de Soumbouyah ( Coyah) résident à Strasbourg en France a donné son regard sur la situation politique de la Guinée.
Selon ce Juriste en Droit du Travail et spécialiste en Gestion des Organisations et juge au Conseil de Prud’hommes de Schiltigheim en France, la réussite de la transition en cours passera entre autres par la rigueur et le sens des responsabilités dans la gestion des affaires publiques.
Entretien
Quelle est votre position sur la situation actuelle de la Guinée qui rentre dans sa troisième année de transition ?
« Penser et agir par nous-même et pour nous même ». Je me répète souvent cette citation d’un des plus grands poètes africains lorsque je pense à mon pays en me demandant ce qu’il me serait possible de faire si j’en avais les moyens.
L’éducation et la formation sont la base des grandes nations, et pourtant …
En Guinée, la gestion des affaires publiques a toujours été un scandale. Entre des sinistres personnages qui profitent de leur passage aux affaires publiques pour s’enrichir ou ceux qui accordent si peu d’importance à l’intérêt collectif du pays, la notion de la patrie est quasi inexistante tant dans les rapports internes qu’extraterritoriaux.
Depuis l’indépendance en 1958, les intérêts de la Guinée n’ont pas été suffisamment défendus et encadrés dans les différents contrats bilatéraux relatifs à l’exploitation des ressources naturelles. Comparativement à d’autres pays la gestion du sol guinéen est un échec total et ce, depuis les indépendances malgré la succession de plusieurs régimes et gouvernements.
A titre d’exemple, le Bostwana, deuxième réserve mondiale de diamant a su profiter de cette situation pour soutenir la croissance économique, humaine et durable. Il est aujourd’hui considéré comme un pays à revenu intermédiaire en raison de sa bonne gouvernance et sa gestion prudente de ces richesses …
Je l’avais déjà évoqué en 2021 lors de l’arrivée du CNRD au pouvoir dans un article intitulé « Quelle transition pour la Guinée ? »
(https://www.xalimasn.com/quelle-transition-pour-la-guinee-par-mohamed-sylla/),
La réussite de la transition passera entre autres par la rigueur et le sens des responsabilités dans la gestion des affaires publiques afin de poser les bases d’une Guinée meilleure.
Après deux ans de transition, le Gouvernement Guinéen a-t-il été à la hauteur des ambitions du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) notamment du discours du 5 septembre 2021 du général Mamady DOUMBOUYAH, Président de la transition ?
La dissolution du gouvernement actuel en date du 19 février dernier accompagnée de mesures fortes répond aisément à la question posée.
Selon vous M Sylla, quelles sont vos préconisations pour la réussite de la transition en Guinée ?
Pour réussir cette transition, une autre vision est possible.
La Guinée est en mesure de s’engager encore plus dans la mise en valeur des richesses de l’Afrique. Notre pays est un pays fertile et pourtant nous importons !
Notre pays est riche et nous sommes en mesure comme n’importe quelle nation de montrer notre savoir-faire et d’avoir des échanges commerciaux de valeurs.
Force est de constater que dans certains domaines nous sommes dépendants de l’étranger et que nous n’avons pas de filières d’enseignement propres à satisfaire nos besoins essentiels.
En fait nous avons besoins de compétences locales que nous seuls pouvons fournir et que seule notre jeunesse sera en mesure d’assurer.
Au demeurant nous devons constater les lacunes dans trois domaines apparaissant comme essentiels pour renforcer la Guinée de demain que sont les secteurs de l’informatique, l’agriculture et les métiers du bâtiment et de la voirie (travaux publics).
Les défis tels que la sécurité alimentaire, le développement urbain et l’accès aux technologies de l’information sont importants. La formation de spécialistes dans ces domaines permet de mieux répondre à ces défis locaux.
Les secteurs de l’informatique, de l’agriculture et du bâtiment et de la voirie (Travaux publics) sont essentiels au développement économique de la région. En formant des professionnels locaux, on répond aux besoins spécifiques du marché du travail et on réduit la dépendance vis-à-vis des experts étrangers.
En formant des travailleurs dans des domaines clés, les pays d’Afrique de l’Ouest peuvent renforcer leur autonomie économique et réduire leur dépendance visà-vis des importations de biens et de services. Les filières de formation peuvent encourager l’innovation et la créativité dans ces secteurs. Des professionnels formés localement peuvent apporter de nouvelles idées et des solutions adaptées aux besoins spécifiques de la région.
La formation de spécialistes et la mise en place de filières de formation dans ces domaines contribue à la création d’emplois locaux. Elle permet également de réduire le chômage en offrant des opportunités d’emploi aux jeunes diplômés et aux travailleurs qualifiés. Elle permet aussi de créer un pôle de compétences en Afrique sub-saharienne.
C’est aussi une formidable avancée dans le domaine de l’écologie car former des professionnels dans les secteurs de l’agriculture et du bâtiment selon des pratiques durables peut contribuer à la préservation de l’environnement et à la gestion responsable des ressources naturelles.
Je suis persuadé que la priorité est dans la formation de notre jeunesse pour tout ce qui fait dire d’une nation qu’elle est grande. Tout ne peut se faire d’un coup de baguette magique. Je proposerais donc dans un premier temps pour la Guinée la création de trois grands pôles de formation dans les domaines dont je viens de parler :
1- Domaine Informatique : Dans les domaines de base et la gestion des données, pourquoi pas une Silicon Valley guinéenne ?
2- Domaine Agricole : Avec une formation dans la gestion durable des professions pour faire de la Guinée un modèle du domaine ;
3- Domaines des Métiers Essentiels : Domaine du bâtiment dans les parties essentielles nécessaires
En fait, le principal est de chercher ce qui se fait de mieux à proximité ou dans le monde.
C’est dans ce cadre qu’en 2021, j’avais préconisé la mise en place d’une politique favorisant l’emploi des Jeunes notamment le concept « Une région, 100 projets jeunes » et en faire un modèle dans la sous-région à l’image de la France qui a expérimenté le concept « Un jeune, une solution » avec d’excellents résultats.
Ce concept a été initié par le Président Emmanuel MACRON.
(https://www.xalimasn.com/quelle-transition-pour-la-guinee-par-mohamed-sylla/).
Pour l’informatique certains pays ont des accords avec d’autres instituts de l’Afrique du nord notamment avec le Maroc qui est actuellement un partenaire crédible et sincère et il serait possible de créer un bachelor avec les meilleurs de nos informaticiens.
Pour la partie agricole, étant dans l’Est de la France et côtoyant de nombreuses entreprises agricoles et même des syndicats agricoles il m’est arrivé de rencontrer des responsables de grands groupes ayant été amenés à réorganiser de fond en comble des systèmes en perte de vitesse. Mieux, Il est aujourd’hui possible d’opérer une symbiose entre le système français et celui de l’Asie du sud-est en matière de développement de l’agriculture dont « Les perspectives agricoles y sont globalement positives, mais elles pourraient être encore améliorées au moyen de politiques cohérentes et d’investissements stratégiques, en particulier dans les infrastructures rurales… »
(Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2017-2026)
Pour la partie métiers du bâtiment nous avons en France en général et à Strasbourg en particulier des pôles d’excellence en la matière (plomberie, électricité, menuiserie, entretien routier…) que sont les compagnons du devoir et nous pourrions aussi prendre exemple.
Bref, l’essentiel est d’avoir les idées, de mobiliser les ressources internes et le carnet d’adresses
Propos recueillis par Hassan Zerrari